J'ai publié en 2011 Moi, princesse Marguerite
d'après Les Ménines de Diego Vélasquez
dans la très belle collection Pont des arts,
dont je vous conseille le nouveau site.
Cette année, l'art est de nouveau à l'honneur avec,
pour commencer, Vincent Van Gogh et sa célèbre Chambre...
Qui sera suivie, dans l'ordre,
par Le Chat noir de Steinlen (illustré par Vanessa Hié),
La tour Eiffel de Delaunay (par Elise Mansot)
et les Très riches heures du duc de Berry,
des frères Limbourg (par Delphine Jacquot).
Que du bonheur en perspective !
J'avais, à l'époque de la sortie de mon premier titre,
posté une analyse de mon album en confrontant
les illustrations de Xavière Devos à l'oeuvre de Vélasquez
et d'autres artistes qui se sont frottés aux Ménines.
Tentons de réitérer l'exercice.
Voici donc Pirate des couleurs, illustré par Natacha Sicaud
qui tient un joli blog pour les grands ici.
L'album part d'une des trois versions
de La chambre... du peintre.
La première, réalisée en 1888,
se trouve au musée Van Gogh à Amsterdam :
La deuxième, datant de 1889,
est au Art Institute of Chicago :
La troisième, exécutée en 1889 elle aussi,
est exposée au musée d'Orsay :
C'est donc cette dernière que j'ai choisie.
Mais quittons Amsterdam, Chicago et Paris
pour nous rendre à Arles, dans la maison jaune
où Vincent s'est installé dès février 1888,
pour chercher le calme et la sérénité.
(esquisse de Vincent Van Gogh et plan de la chambre)
Lui qui lutte contre son esprit "dérangé"
a une chambre somme toute bien rangée.
Peut-être pas assez au goût d'Ursus Wehrli
qui s'applique à faire le ménage
dans son excellent Art en bazar (éd. Milan, 2002) :
En trois mots :
Range ta chambre, Vincent !
Pas facile pour quelqu'un qui a du bazar dans la tête.
Vraiment difficile pour celui qui réagit à fleur de peau...
à la lumière des soleils (Tournesols, 1888)...
Fleur de peau, aussi, en admirant
les champs de blé et le vent qui souffle dedans.
Champ de blé avec cyprès, 1889.
Une chambre trop bien rangée, c'est un peu une chambre
sans vie, sans personnalité. Ce n'est pas lui.
Lui, il lutte chaque jour contre ses démons.
Champ de blé aux corbeaux, 1890.
Lui, Vincent le différent, celui qu'on appelle « Fou-Roux »…
Quelques autoportraits, avec et sans l'oreille :
Dans mon album, il devient Barberousse, pirate de son état.
J'ai fait le lien entre la rage du peintre,
l'énergie de ses coups de pinceaux
(dont il se sert comme d'une épée ou d'un sabre),
ses couleurs brutes et vives, ses matières,
enfin l'oreille coupée, qui m'a fait penser
à l'oeil (ou la main) perdu d'un pirate.
Et pas de pirate sans trésor, d'où un coffre.
Dedans, pas de pièces d'or,
mais des pots de peinture.
A l'art-bordage !
mais des pots de peinture.
A l'art-bordage !
Les pistes que j'ai suivies, ainsi que mes notes
(je vous copie-colle mon fichier de travail) :
Maison jaune
(je vous copie-colle mon fichier de travail) :
Maison jaune
Chambre vivante
Solitude
Tableaux accrochés aux murs :
deux portraits (un autoportrait, un portrait de femme)
deux estampes japonaises
un tableau représentant un paysage (arbre) à la tête du lit
Van Gogh
fou-roux, barbe rousse, yeux injectés de sang
force de ses coups de peinture
oreille coupée, bandé // bandeau de pirate : pirate Barberousse ?
pax. perroquet // couleurs vives
matières, couleurs vives
Psychologie vincent vg :
Esprit tourmenté, folie ?
Se reposer, le repos
Rêve lors d’une sieste ou la nuit ? Cauchemar ?
La chambre :
simple, mais pas tout à fait comme dans la réalité,
le lit semble glisser sur le parquet, etc.
chaises qui ne tiennent pas debout…
// chambre vivante
// on a l'impression d'être sur l'eau, ça tangue : bateau ?
Ordre / désordre
Equilibre / déséquilibre
Les couleurs (peindre le mur et le reste) :
BLEU = murs (lilas fleur), porte
VERT = fenêtre, volets (vert jauni par soleil)
ROUGE (fané violet) = sol (effacé)
Meubles
Table orangE
Deux chaises et un lit = jaune
Deux oreillers = JAUNE (citron vert)
Ce qu’il y a sur la table
Ce qu’il y a sur la table
BLEU = pour se laver
Un miroir, un torchon = BLANC
Vêtements suspendus
Blouse = BLEU
Ranger ? Et les jouets ?
Ouvrir la fenêtre, les volets… voir le paysage
extérieur ?
On est toujours dans la chambre
Lettre à son frère Théo, à propos de son projet de tableau
suivre indications réelles du peintre
repeindre la chambre dans l’histoire
repeindre la chambre dans l’histoire
donc : avoir une base blanche ou noire avant de
repeindre
noir + intéressant // peur, démons, ténèbres
// esprit
tourmenté vincent vg
(esquisse et illustration finie, double 4)
On s'amusera à trouver les différences
entre l'esquisse et l'illustration finale, très réussie.
Pas facile de peindre le noir et de laisser voir dans le noir.
Natacha Sicaud joue des noirs... et des blancs aussi.
Et le noir devient couleur.
***
Revenons à mon histoire.
Pour servir de contrepoint au pirate,
et d'oeil témoin en quelque sorte,
j'ai créé le personnage du perroquet.
Bavard, forcément. Connu pour ses couleurs.
Mais, peint en noir, il devient corbeau moqueur.
A partir de mes pistes, de mes annotations, de mes lectures,
j'ai imaginé un petit film d’animation
pour repeindre à loisir la pièce du peintre pirate.
j'ai imaginé un petit film d’animation
pour repeindre à loisir la pièce du peintre pirate.
Décryptage par doubles pages :
1 = bateau entier, extérieur jour
2 = bateau éclaté en huit morceaux // huit bras du monstre
(on les cherche, on les compte jusqu'à huit)
(on les cherche, on les compte jusqu'à huit)
3 = zoom avant passage extérieur jour - intérieur nuit
(l'encre de la pieuvre, plongée dans le noir),
4 = noir total, les ténèbres, la peur du noir, le désordre, le chaos
(l'encre de la pieuvre, plongée dans le noir),
4 = noir total, les ténèbres, la peur du noir, le désordre, le chaos
de 5 à 7 =
- du désordre, du bazar vers le
rangement,
tout à sa place comme dans le tableau de Van Gogh
- le perroquet : de l'insolence, de la moquerie au respect
tout à sa place comme dans le tableau de Van Gogh
- le perroquet : de l'insolence, de la moquerie au respect
- l'oiseau change de
place, petit jeu pour l’enfant :
trouver le perroquet aux plumes noires dans le noir
trouver le perroquet aux plumes noires dans le noir
8 = les derniers détails (les plumes de l'oiseau)
9 = enfin le calme, la paix, invitation à dormir, la sieste dans la chambre
Après la construction de l'histoire, l'écriture (enfin !).
Pour écrire mon texte, j'ai exploré les pistes suivantes :
Jeu des rimes et des sons
Jeu des questions / réponses
Jeu de compter les morceaux
ensemble jusqu’à huit,
ainsi que les huit bras du calamar géant
ainsi que les huit bras du calamar géant
Jeu de mots :
- noms
que le perroquet donne au pirate
(évolution de Barbefrousse à Capitaine)
(évolution de Barbefrousse à Capitaine)
- noms que le pirate donne au perroquet :
oiseau de malheur, sombre Ara-qui-rit, (Harakiri)
oiseau de malheur, sombre Ara-qui-rit, (Harakiri)
Jeu des couleurs - fruits (jaune citron...)
Clin d’œil final à la lettre de Vincent à
Théo
Lorsque j'écris mon texte, je donne des indications à l'illustrateur.
Exemple pour la double 4 dont j'ai montré
plus haut l'esquisse et l'illustration finale :
Exemple pour la double 4 dont j'ai montré
plus haut l'esquisse et l'illustration finale :
4 (contours au trait,
esquissés, tout est noir, habits,
barbe du pirate et plumes du perroquet)
Ara-qui-rit le perroquet se moque de son maître :
- Barberousse
a peur du noir, il a la frousse, Barbefrousse !
- Oiseau
de malheur, tu vas voir ce que tu vas voir !
Peu importe si dans la chambre il y a du bazar.
Le pirate connaît la carte des lieux par cœur.
Sans feu, sans phare, il trouve son coffre et…
Clic clac la clé, à lui le trésor !
A nous le trésor de l'art ! Plaisir des yeux, nos pépites.
Pour revoir La chambre, rendez-vous au musée d'Orsay.
C'est le moment, on lui consacre une exposition
jusqu'au 6 juillet prochain.
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