vendredi 30 octobre 2009

Visible et invisible



La couverture d'un livre est presque aussi importante que son contenu même. Cela peut sembler dingue, mais c'est la vérité. Car l'oeil commande. Attiré par une illustration, un graphisme, une maquette, une typo.
Qu'est-ce qui fait qu'on va ouvrir tel ou tel livre ? Sans aller jusque là, qu'est-ce qui va nous pousser à lire - parfois en diagonale - le petit texte au dos du livre, appelé quatrième de couve ? L'illustration ou la photo de couverture.
Certaines oeuvres, romans ou albums, pour enfants ou adultes, passent ainsi à la trappe parce que personne ne les voit (ils deviennent invisibles dans la masse de livres posés sur les tables des librairies).
Parlons des romans, où la couverture revêt son importance la plus criante car c'est souvent la seule image du livre. J'ai la chance d'avoir été illustrée par des artistes que j'admire et qui ont servi mes histoires. Je ne veux pas dire par là qu'ils ont dessiné les personnages tels que je me les imaginais. Ils ont simplement rendu l'atmosphère de mes romans.
Donner une ambiance, donner une couleur, donner un ton, donner envie de lire, donner.
Pour illustrer ce court texte, mon choix s'est porté sans hésiter sur une couverture d'Olivier Balez.
Piste noire est un roman noir pour grands adolescents, qui parle de viol.
Olivier a joué la carte de l'angoisse : un train qui s'enfonce dans la nuit (comment l'arrêter ?), des rails (ou des traces laissées par des skis dans la neige ?), le bleu (le froid), le noir (couleur du polar et de la mort), le long serpent jaune (la vie qui se fraye un passage dans l'espace inquiétant) et les touches de rouge (deux feux, deux yeux ; deux rails rouges, deux traînées de sang ?).
On retrouve cette dualité dans la construction binaire du roman, un récit linéaire à la troisième personne, un autre en flash-back à la première personne. Le personnage principal est partagé entre le pire (aller jusqu'au bout de l'enfer) et le moins pire (se rendre, avouer son crime). Les métaphores alternent les renvois au blanc et au noir, non-couleurs aux significations inversées. Enfin, le train dessiné par Olivier est loin déjà, comme l'acte commis par les trois adolescents lorsqu'on lit le premier chapitre du roman.
"Voilà. Voilà ce que j’ai fait. Contre ma volonté. C’était plus fort que moi, une montée d’adrénaline, puis la grande descente avant même de toucher le sol… Je suis mort. C’est pareil. La vie, elle a jamais voulu de moi. J’ai toujours fait semblant. Semblant d’être bien, heureux, confiant. Mais je sentais au fond de moi que j’étais h p partout où j’allais. Maintenant, au moins, je saurai pourquoi. Je suis un monstre. Rien ne pouvait enrayer la machine, le train en marche ; c’était écrit sur le billet. Aller simple."
Il s'agit bien d'un aller sans retour, comme l'indique le titre. Quand on est engagé sur une Piste noire, il nous est impossible de revenir en arrière. Le train disparaît, mais il laisse des traces. Ces mêmes traces au coeur du roman, sur et dans le corps des personnages.
Visibles, invisibles.
Irréversible, indélébile, insupportable, inacceptable... autant de mots que j'ai entendus lors de rencontres avec des lecteurs de Piste noire où le visible, justement, dérange.
Voilà, j'avais envie de parler des couvertures et du travail d'Olivier, et je vous invite, pour finir, à visiter son blog IcietLà, qui est là :
http://olivierbalez.blogspot.com/

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